Après l’annonce de sa retraite: La carrière de Beat Feuz, c’est notre miracle de Noël
La légende raconte qu’à la veille de son premier succès en Coupe du monde Beat Feuz s’est envoyé une fondue. C’était en 2011 et déjà s’esquissait la large silhouette d’un athlète qui n’allait rien faire comme les autres skieurs. À commencer par le souci accordé à l’alimentation. Ou de ses siestes peinardes sous un arbre à l’heure du footing en équipe. Voire de son appétence pour les parties de cartes nocturnes.
On a souvent récité le chemin de croix de Beat Feuz, et il faut ici dire une fois pour toutes que certaines de ses nombreuses blessures auraient sans doute été évitables.
«Certaines des nombreuses blessures de Beat Feuz auraient sans doute été évitables.»
À l’âge de 8 ans, le gamin se brise les deux talons: trois mois de chaise roulante. Son genou gauche est passé sous le bistouri pas moins de onze fois, à tel point qu’on a énoncé ensemble les lettres du mot «amputation».
Et lorsque son articulation l’a enfin laissé tranquille, c’est le tendon d’Achille qu’il s’est déchiré, avant les affres d’une inflammation nerveuse qui causera une paralysie faciale. Impossible de démêler, ici, la malchance de la désinvolture, la fatalité du je-m’en-foutisme.
Qu’importe, c’était là sa piste noire à lui. Car sans cette insouciance naturelle, qui lui a coûté tant d’années de compétition, il n’aurait jamais atteint ce niveau de décontraction. Ce sens de la pente pour laisser filer ses skis sans jamais les mettre en travers.
Ce toucher de neige dépourvu de mouvements parasites et si économe en énergie. Il faut pardonner aux prodiges leur manque d’assiduité: sans la loi du moindre effort, on n’aurait jamais inventé la roue.
«Il faut pardonner aux prodiges leur manque d’assiduité: sans la loi du moindre effort, on n’aurait jamais inventé la roue.»
Les yeux nous démangent encore, rougis par un mélange d’émotion et de stupeur. Voir le bibendum de Schangnau faire la nique aux colosses surentraînés à longueur de saisons, dévaler des parois verglacées avec la légèreté d’un bricelet Kambly, frôler le sol du menton la tête entre les mollets tout schuss vers la victoire, pour finir le séant bien calé sur l’Olympe de la descente: le voilà notre miracle de Noël.
Franchement, on veut bien avoir la foi, mais là, comme Thomas, il fallait le voir pour le croire.
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– La carrière de Beat Feuz, c’est notre miracle de Noël
Le champion olympique de descente va s’en aller comme il est arrivé: en surprenant tout le monde.