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Genève – La bataille autour des horaires des magasins fait à nouveau rage

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Les Genevois sont appelés à se prononcer sur l’ouverture des commerces pour la troisième fois en cinq ans.

Les Genevois voteront sur trois ouvertures dominicales et une heure supplémentaire le samedi.

Les Genevois voteront sur trois ouvertures dominicales et une heure supplémentaire le samedi.

Laurent Guiraud/TDG

On prend presque les mêmes et on recommence. La question de l’horaire d’ouverture des magasins genevois est au menu de la votation du 28 novembre prochain pour la troisième fois en cinq ans. Cette fois, le peuple se prononcera sur la possibilité d’ouvrir trois dimanches par an en sus du 31 décembre, férié travaillé dans le commerce à Genève, ainsi que sur la prolongation de l’ouverture des magasins le samedi entre 18h et 19h. «Il s’agit d’entrer dans le XXIe siècle, disent en chœur les associations patronales, soutenues par les partis de droite. Genève ne doit pas être une ville morte le dimanche.» Une vision que les syndicats et les partis de gauche ne partagent pas. Ils ont lancé un référendum afin que les Genevois s’expriment sur cette question.

Les habitudes des clients ont changé

Pour les commerçants, ce changement d’horaire est «davantage une adaptation qu’une révolution», précise Flore Teysseire, secrétaire patronale à la Fédération du commerce genevois (FCG), ajoutant que la modification est modeste, mais constitue une nécessité afin «de lutter contre les achats en ligne et le tourisme d’achat». Les professionnels de la vente affirment que les habitudes des chalands ont changé. «Les clients consomment plus le soir et le week-end», avance Louise Barradi, présidente de la FCG. À tel point que des enseignes «comme la nôtre se sont déjà adaptées en ouvrant plus tard le matin», affirme Sébastien Aeschbach, patron de magasins éponymes et membre du Trade club de Genève.

Béatrice Berthet, présidente des Intérêts de Carouge, qui représente les magasins de la Cité sarde, estime quant à elle que des ouvertures le dimanche et plus tard le samedi soir sont bénéfiques pour petits et grands. «Nous sommes interdépendants et complémentaires. Lorsque les commerces importants sont ouverts, nous travaillons très bien», détaille-t-elle d’expérience. «Le monde attire le monde», renchérit Stéphane Oberson, président de la Nouvelle organisation des entrepreneurs (NODE).

Travail volontaire le dimanche

Les patrons insistent sur le fait qu’il ne s’agit que de trois dimanches par année et que l’heure supplémentaire du samedi est contrebalancée par l’arrêt de la nocturne du jeudi. «Tous les dimanches ne se valent pas. Ceux avant Noël marchent bien», analyse Sébastien Aeshbach, qui se défend de vouloir «mettre un pied dans la porte». Le patron indique par ailleurs tenir au dialogue social et être en faveur d’une convention collective de travail étendue au secteur. «Je préfère que nous soyons tous logés à la même enseigne, plutôt que d’être en situation de concurrence déloyale». Enfin, les milieux commerçants soulignent que «le travail du dimanche se fait sur une base volontaire et est payé double. Les étudiants et d’autres catégories de personnes aiment être en poste le week-end, détaille Stéphane Oberson. Il n’y a pas que des gens qui ont de la famille qui travaillent.»

Pas de dimanche sans CCT

En face, syndicats et partis de gauche voient cette «adaptation» d’une toute autre façon. «Il est déjà possible d’ouvrir trois dimanches par année, rappelle Pablo Guscetti, secrétaire syndical à Unia. La différence, c’est qu’actuellement, pour pouvoir le faire, il faut que le secteur de la vente bénéficie d’une convention collective élargie. Ce qui n’est pas le cas.» Pour lui, les trois dimanches ne sont pas le problème. «Le problème, c’est la possibilité d’ouvrir le dimanche sans les protections offertes par la CCT.» Une condition contenue dans une précédente loi, mais plus dans la nouvelle version.

La campagne des référendaires se concentre sur la dégradation des conditions de vie des employés de la vente. «Le personnel est très choqué par l’idée de travailler une heure de plus le samedi soir, après une journée déjà très chargée, souligne Pablo Guscetti. Le fait est qu’après la fermeture, il faut encore compter une heure de travail avant de pouvoir quitter la place.» Ainsi, illustre le syndicaliste, «lorsque nous menons des actions d’information au sortir des commerces le samedi, il arrive que certains vendeurs sortent après 19h30». Pour les opposants, la réforme va clairement mordre sur la soirée en famille.

Pas d’effet sur le tourisme d’achat

Craintes partagées par les socialistes qui estiment qu’il y a suffisamment de temps pour consommer durant la semaine. «Il y a un équilibre de vie à atteindre, il n’est pas nécessaire de consommer tout le temps», illustre Lydia Schneider Hausser, présidente du Parti socialiste. Selon elle, ce ne sont pas les magasins qui feront vivre Genève le dimanche, mais plutôt les bars et restaurants. «Le dimanche, les gens partent se balader.» Pour les socialistes, «ce n’est pas une heure le samedi qui permettra de contrer l’e-commerce, tout comme les dimanches ne contrebalanceront pas la différence de prix entre la Suisse et la France, motrice du tourisme d’achat. Les gens n’ont pas les moyens de consommer à Genève.»

Quant au caractère volontaire du travail du dimanche, Pablo Guscetti ne partage pas l’optimisme des employeurs. «Si les travailleurs ne se plaignent pas aux Prud’hommes, c’est par crainte de perdre leur emploi, pas parce que le problème n’existe pas», relate-t-il, faisant état de témoignages de vendeurs planifiés le dimanche sans qu’on leur ait demandé leur avis. Le syndicaliste bat également en brèche le fait que le travail dominical est essentiellement le fait des étudiants. «C’est vrai pour les supermarchés de la gare et de l’aéroport, mais dans les grands magasins, ce seront les équipes habituelles qui seront mises à contribution.»

Pour contrer l’e-commerce et le tourisme d’achat, Pablo Guscetti propose d’entrer dans un cercle vertueux: «Il faut renforcer le commerce de proximité par un bon accueil de la clientèle et la promotion des produits locaux. C’est cela qui fera venir les clients.» Lydia Schneider Hausser renchérit, estimant que ce sont «les êtres humains qui créent de la valeur ajoutée».

En 2016, les Genevois avaient accepté le contre-projet à l’initiative «Touche pas à mes dimanches!» Le texte autorisait l’ouverture de trois dimanches par an contre une CTT étendue dans la branche. Mais sans CCT, les portes étaient restées closes. En 2019, un nouveau vote ouvrait une période expérimentale de deux ans, sans la condition de la CCT, cette fois. Le texte soumis au vote entérine ces trois dimanches, y ajoutant une heure le samedi soir, mais annulant la nocturne du jeudi.

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