Ligne CFF coupée – Bateau, auto-stop, bureau, la nuit de galère des usagers
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Les pendulaires ont peiné à rentrer chez eux mardi soir. Ils racontent cette soirée irritante et souvent rocambolesque.
Voyage en bateau, nuit au bureau, salaire qui part en fumée, auto-stop… La subite suppression des trains entre Genève et Lausanne mardi soir a conduit de nombreux pendulaires à vivre quelques heures souvent rocambolesques, aux conséquences parfois dommageables. Une constante ressort des témoignages de ces usagers: la communication des CFF, ou plutôt son absence, les a laissés pantois.
«On a été ballottés»
Laura, qui travaille à Lausanne et vit à Genève, en a ainsi été réduite à dormir au bureau, où par chance un canapé venait d’être installé. «Le site des CFF n’était pas à jour, des trains étaient annoncés au départ. Une fois à la voie, ils n’étaient pas là. Les contrôleurs ne savaient rien. C’était n’importe quoi. On a vraiment été ballottés. À huit heures, on est allé prendre un café, en sortant toutes les trente minutes pour vérifier la situation.»
Celle-ci ne s’améliore pas. «À 22h, rien. À 23h, toujours rien. À minuit je suis allée au bureau. Tenter de rentrer dans la nuit à Genève n’était pas une option, je devais être tôt au travail. Ce mercredi soir, je vais chercher un plan pas trop cher. Je n’ai pas envie de mettre de l’argent dans un hôtel parce que les CFF n’arrivent pas à fournir de navettes.»
«Mon seul jour de revenu»
Léa, une Genevoise étudiant à Lausanne, s’y est aussi retrouvée coincée. Elle a aussi pu profiter du canapé de l’employeur de Laura, mais a perdu une somme rondelette, se trouvant dans l’incapacité de travailler à Genève ce mercredi matin. «Je suis monitrice dans une maison de quartier. C’est un travail d’étudiante. Ce mercredi, c’était mon seul jour de revenu de la semaine. Je suis payée à la journée, 250 francs. Si je ne me présente pas, je n’ai pas de salaire. À minuit, j’ai envoyé un message pour qu’on me remplace.» Un quart de son revenu mensuel s’est envolé.
Seuls à la gare d’Évian
D’autres sont parvenus à rallier leur domicile en faisant preuve de créativité. Ainsi Gaultier, qui étudie à la Haute école pédagogique, déteste la foule et a vite compris que ce serait une véritable foire d’empoigne sur l’arc lémanique. «On avait des témoignages de gens à Morges» qui se poussaient pour entrer dans les rares bus à disposition. Le jeune homme a alors eu l’idée de passer par la France. «On a pris le dernier bateau pour Evian à 18h40. Là-bas, on a marché jusqu’à la gare. Nous y étions parfaitement seuls. On a pris un train pour Annemasse à 20h20, puis le CEVA pour Genève, où nous sommes arrivés vers 21h40. C’était chiant, mais on a rigolé. À Morges, avec des centaines de personnes, on n’aurait pas rigolé du tout.»
Urgence allaitement
C’est en effet dans la localité vaudoise qu’un grand nombre de pendulaires se sont retrouvés piégés, dans des conditions parfois pénibles. Sophie raconte ainsi avoir dû sauter dans sa voiture pour venir y secourir une amie, jeune maman. «Elle allaite son bébé, qui était à Genève, alors qu’elle était coincée à la gare de Morges depuis 17h avec les seins qui allaient exploser. Je suis sortie du travail à 19h, près de la gare de Lausanne. J’ai mis une heure pour rejoindre Morges. Il y avait des bouchons horribles! Je suis arrivée en sauveuse à 20h. A cette heure-là, le prix des Uber dépassait 400 francs! J’ai pu la poser chez elle à 22h.»
Sabine, elle, n’a jamais pu rallier Genève. Cette Sédunoise s’y rendait pour une occasion particulière: la remise du bachelor de son fils. «C’était à 18h30. Je suis arrivée à 17h10 à Lausanne. Personne ne pouvait nous renseigner. Finalement on m’a dit de prendre un train pour Morges. Le temps que je m’y installe, il ne partait plus. À 18h15, j’ai compris que c’était fichu. J’étais dépitée, c’est quand même un événement. Mon fils aussi était triste. Quand il m’a envoyé la vidéo de la cérémonie, j’avais les larmes aux yeux.»
«Il doit y avoir une alternative»
Dans l’autre sens, Vincent, qui travaille à Genève et vit à Morges, est parvenu à attraper un train à 21h50. «À l’intérieur, on se dit qu’on nous donnera des informations. Mais non, on a juste appris qu’on s’arrêterait à Saint-Prex. Là-bas, il y avait un seul bus et une personne en jaune. Il faisait 2°C. On nous a annoncé qu’un autre viendrait dans quinze minutes, mais on était 200 ou 300. Impossible de tous nous caser…» L’homme, qui habite à moins d’une heure à pied, décide alors de marcher, fait du stop, et est vite pris en charge. Mais lui aussi déplore la communication des CFF et l’absence de plan B. «Quel que soit le scénario, il doit y avoir une alternative, surtout dans un contexte où les élus veulent taxer la voiture. Je ne suis pas forcément contre, mais on ne peut pas miser sur un seul mode de transport. Ce n’est pas réaliste.»
Laura fait elle aussi part de son dépit. «Cela s’ajoute à un amas de trucs. Pour tous mes rendez-vous importants, ces derniers temps, je dois viser un ou deux trains plus tôt, car il y a souvent des retards. Peut-on faire payer toujours plus les gens pour un service qui ne s’améliore pas? Qu’est-ce qui se passe aux CFF? Prévoyez, investissez!»