Geneve

Votation genevoise – Au peuple de décider combien touchera un ancien ministre

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Les citoyens doivent se prononcer sur la fin de la rente à vie des conseillers d’État et choisir la forme que prendra leur future retraite.

Le Conseil d’État prête serment devant le Grand Conseil lors d’une séance extraordinaire.

Le Conseil d’État prête serment devant le Grand Conseil lors d’une séance extraordinaire.

Laurent Guiraud

Genève s’attaque aux rentes à vie des conseillers d’État. Le 28 novembre prochain, la population devra trancher entre deux textes qui tracent les contours du régime après l’abolition du système de retraite actuel. «L’enjeu n’est pas de savoir si on supprime la rente à vie, mais comment», résume Jean Burgermeister, d’Ensemble à Gauche (EàG). En effet, si tous les partis s’accordent à dire qu’il faut mettre un terme à «ce régime d’exception», la question demeure quant au système qui le remplacera.

Deux options à choix

Au menu, deux choix s’offrent au peuple. D’un côté, l’initiative populaire des Vert’libéraux qui se base sur le modèle de l’assurance-chômage, avec le versement d’une rente annuelle fixée à 70% du dernier salaire, durant maximum deux ans après la fin du mandat. De l’autre, un contre-projet qui prévoit une allocation s’élevant à 50% du dernier traitement des conseillers d’État (35% pour les magistrats à la Cour des comptes) pendant trois à cinq ans, selon la durée du mandat. Les élus seraient affiliés à la Caisse de prévoyance de l’État de Genève (CPEG), sous le régime de primauté de prestations, comme tous les fonctionnaires du canton.

Le contre-projet, une solution immédiate

Alors que l’initiative populaire avait fait carton plein lors de son dépôt en juillet 2019 (près de 8000 signatures), elle a perdu de sa superbe après la validation, en mars dernier, du contre-projet qui a séduit la gauche et le Mouvement Citoyens Genevois (MCG).

«Il a l’avantage de régler la question définitivement, sans risque d’un aménagement préférentiel pour les magistrats», explique Jean Burgermeister. A contrario, l’initiative n’étant pas formulée, son acceptation nécessiterait l’élaboration et l’adoption d’une loi par le Grand Conseil. «Cela va prendre du temps. Les élus de 2023 pourraient potentiellement encore profiter de la rente à vie». Pour le député d’EàG, l’entrée en vigueur immédiate du contre-projet est donc «le meilleur moyen de tout de suite mettre fin aux privilèges».

Un détail qui fâche

Aux yeux du Parti libéral-radical (PLR), la page blanche offerte par l’initiative est une bonne chose. «Cela permettra de définir le régime de prévoyance professionnelle», explique son président, Bertrand Reich. À savoir: décider si les élus seront soumis à la primauté de prestations ou la primauté de cotisations. Le contre-projet, lui, propose d’ores et déjà d’appliquer la première option. Une décision qui ne convient ni au PLR, ni au PDC-Le Centre.

«Si vous êtes jeune, la primauté de prestations est très désavantageuse. Elle introduit une inégalité de traitement entre les magistrats en fonction de leur âge. C’est un système dommageable, car il va décourager les jeunes de se lancer», regrette Delphine Bachmann, présidente du PDC-Le Centre. Les opposants rappellent que dans le régime de primauté de prestations, les personnes de moins de 45 ans repartent seulement avec une partie de leur deuxième pilier et sans les intérêts. En revanche, dans un système de primauté de cotisations, peu importe l’âge, l’assuré récupère l’intégralité des cotisations versées (par l’employeur et l’employé), augmentées des intérêts. Pour cette raison, les deux partis rejettent le contre-projet.

En substance, la différence entre le régime de primauté de cotisations et de prestations est la suivante. Dans le premier cas, le montant de la rente est calculé en fonction des cotisations accumulées par l’assuré. Dans le second, la rente est fixé en fonction du dernier salaire de l’assuré.

Initiative jugée trop extrême

Si le Centre ne soutient pas le contre-projet, il écarte aussi l’initiative qu’il juge trop stricte. «Elle ne prend pas en compte les spécificités de la fonction. C’est un engagement très fort au service de la collectivité. Cela implique une mise entre parenthèses de sa vie professionnelle, avec beaucoup d’incertitudes liées à la réélection. Ce n’est pas si facile de retrouver du travail lorsqu’on porte cette étiquette politique», estime Delphine Bachmann. Selon elle, la durée de deux ans proposée par l’initiative est trop courte pour permettre une reconversion sereine.

Même son de cloche du côté du MCG, pour qui l’initiative, issue d’«un coup de gueule» après l’affaire Maudet, est «trop excessive. Nous préférons écouter la raison, plutôt que le cœur et le contre-projet nous semble plus raisonnable», conclut le président du parti, Valentin Francisco.

Des chiffres tombés du ciel

«Il n’en est rien», assure Marie-Claude Sawerschel. La présidente des Vert’libéraux pointe du doigt les incohérences du contre-projet. «La durée de 5 ans et le montant de la rente fixé à 50% du dernier revenu sont tombés du ciel. Aucune raison n’explique le choix de ces chiffres. Il est important que les conseillers d’État puissent conserver un bon niveau de vie. C’est pourquoi nous avons proposé 70%.» Elle évoque également le problème de la primauté de prestations, «qui n’est pas du tout adaptée pour des personnes qui travaillent sur mandat comme les élus politiques.»

Enfin, Marie-Claude Sawerschel rappelle que «l’initiative a le mérite d’avoir fait bouger les choses, alors que nous demandons depuis des années qu’une loi soit élaborée, sans succès. Nous avons l’impression d’avoir été le stimulant de ce changement», se réjouit-elle.

Actuellement, les anciens membres de l’exécutif cantonal perçoivent une prestation de retraite dès huit années de mandat. Un système qui doit être modifié depuis dix ans, car il n’est pas en accord avec le droit fédéral. Mais c’est l’affaire Maudet qui a mis le sujet sur le devant de la scène. En effet, en juin 2019, le conseiller d’État Pierre Maudet, alors en plein déboires judiciaires, a atteint la limite lui permettant de recevoir la rente viagère. Un mois plus tard, le parti écolo-centriste déposait l’initiative 174 «Pour l’abolition des rentes à vie des conseillers d’État».

La majorité des cantons suisses ont abandonné le système de rente à vie. Dernier en date, le Tessin en juin 2021. Vaud et Neuchâtel figurent parmi les exceptions. Le 28 novembre prochain, si aucun des deux textes n’est accepté à Genève, le système actuel sera, pour l’heure, maintenu. En cas d’acceptation des deux objets, une question subsidiaire déterminera quelle proposition à la préférence du peuple.

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